Résumé du projet de thèse


Les Survivants juifs en France après 1945
Rapatriement – Réinsertion – Migrations





Entamée en 2007 à la suite d’un mémoire de Master soutenu en juin de la même année, ma recherche doctorale porte sur l’action sociale des institutions publiques et privées envers les « survivants juifs », dans la France de l’immédiat après-guerre.

Par « survivants juifs en France », nous entendons la population composée de l’ensemble de ceux – déportés de France ou non, français ou étrangers – qui, une fois libérés des camps nazis, sont venus en France. Sans négliger les trajectoires individuelles, notre fil conducteur consiste en l’étude des interactions entre les différents acteurs publics et privés engagés dans le secours aux anciens déportés. Il s’agit de prendre en considération l’ensemble des dispositifs mis en place au cours des étapes successives de la vie du rescapé depuis sa libération : rapatriement, migration vers – ou au départ de – la France, insertion ou réinsertion dans la société française.

Il convient d’abord de se placer sur le terrain d’une histoire politico-institutionnelle. Celle-ci suppose d’abord de s’intéresser aux différentes administrations qui ont pu intervenir dans des secteurs liés au sort des rescapés[1]. Les mesures prises à l’échelon national pour les anciens déportés sont rarement le fruit d’un seul ministère, de ce fait, il ne faut pas négliger le rôle fondamental des interactions interministérielles dans les processus de prise de décision.
Ensuite, le terrain des institutions privées nous permet d’analyser les relations des organisations juives et non juives entre elles, avec les anciens déportés juifs, et avec l’État. Nous appelons « institutions privées » les structures confessionnelles (telles que l’ORT et le COJASOR) ou non (comme la Croix-Rouge), ainsi que des organisations regroupant des anciens déportés (comme l’UDA ou la FNDIRP).

Si notre terrain privilégié est bien la France, l’analyse ne peut être limitée à l’échelle nationale. Il est nécessaire d’y adjoindre deux niveaux : l’international et le local.

Une focale internationale s’impose pour plusieurs raisons. D’abord, l’histoire des survivants juifs en France depuis leur libération est aussi celle d’une double question migratoire. La première porte sur les Juifs étrangers qui ne sont pas rapatriés en France mais qui, à un moment donné, entrent sur ce territoire. Ces personnes ont fait le choix – ou on l’a fait pour eux[2] – de ne pas retourner ni rester dans leur pays d’origine. Ensuite, il s’agit de la question des départs de France vers l’étranger. Ceux vers Israël par exemple, qui n’existe pas encore officiellement, posent un certain nombre de problèmes en termes de migrations clandestines et de relations entre la France et la Grande-Bretagne.

Par ailleurs, il faut tenir compte de diverses influences, soutiens ou pressions extérieurs sur les acteurs qui nous étudions. Dans le domaine associatif par exemple, on ne peut négliger l’action du Joint, source fondamentale de financement pour les associations juives françaises. En ce qui concerne le rapatriement, ou les migrations plus « classiques », les questions diplomatiques sont incontournables.

Le niveau local doit permettre de mieux saisir l’application des directives fixées au niveau national : il s’agit de se rapprocher du terrain de la mise en pratique concrète des objectifs fixés au niveau national, et de déceler les particularités propres à chaque région dans l’application des mesures.
Cette approche suppose de se focaliser sur quelques lieux considérés comme représentatifs pour notre étude, soit parce qu’ils ont pris à un moment donné une importance particulière dans cette histoire des survivants juifs en France dans l’immédiat après-guerre[3], soit parce qu’ils accueillent une population juive assez conséquente, et de fait également les centres locaux d’institutions privées dont le siège se trouve généralement à Paris.

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[1] Il s’agit, notamment, du ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés (PDR), mais aussi, par exemple, des ministères des Transports (pour l’organisation des convois de rapatriement), de la Santé (pour les questions médicales), ou du Travail (pour la réinsertion professionnelle).
[2] Allusion notamment aux enfants de Buchenwald rapatriés dans plusieurs pays, dont la France, et dont aucun n’était de nationalité française.
[3] Par exemple les départements frontaliers entre la France et l’Allemagne dans le cadre du rapatriement des anciens déportés ou encore exemple celui des Bouches-du-Rhône et la ville de Marseille en particulier comme lieu d’arrivée des rapatriés d’Odessa et lieu de départ des émigrants vers la Palestine.